Mondial de l’automobile 2016 à Paris : Volkswagen est partout sur des affiches jouant avec la géométrie et l’éclairage, imposant un wording puissant et des images sans fioriture… Les stands des marques du groupe, Volkswagen, Audi et Porsche jouent tous la carte de l’extraversion : débauche de blanc laqué, de leds bleus, d’écrans géants… Le groupe déploie toute sa puissance… et pourtant un an auparavant, on le donnait pour mort.
Rappel des faits
Septembre 2015 : le groupe Volkswagen annonce publiquement avoir délibérément faussé depuis 2007 les résultats des tests d’émissions en CO2 des voitures de sa marque. Martin Winterkorn, président du directoire du groupe, déclare alors « regretter personnellement et profondément » avoir trahi la confiance que tant de gens lui accordaient. Le 23 septembre, il démissionne de ses fonctions, laissant un groupe en perdition. Très vite, les annonces se succèdent, les courbes des ventes plongent… Volkswagen retire plusieurs modèles incriminés des concessions aux États-Unis, les politiques du monde entier s’insurgent, vitupèrent, promettent sanctions et amendes colossales. La France, fer de lance de l’action en Europe, réclame une enquête européenne, le parquet de Brunswick ouvre une information judiciaire pour fraude, des perquisitions sont diligentées, la Belgique et la Suisse interdisent la vente des véhicules concernés, les autorités sudcoréennes entendent les responsables du groupe. Le cours de l’action s’effondre de plus de 40 %, le groupe Suzuki cède les quelques pourcents du capital qu’il détenait. Le « Dieselgate » est en marche, rien ne semble pouvoir le stopper. Seule issue pour Volkswagen, outre les compensations financières phénoménales… : la TRANSFORMATION.
Se réinventer ou périr
La transformation du groupe Volkswagen commence par un changement culturel profond ; Matthias Müller, ex-patron de Porsche, a dû en très peu de temps faire évoluer sa communication, passant de la beauté des bolides aux réponses aux enquêteurs et aux actionnaires mécontents. Mais, c’est principalement d’une nouvelle vision qu’il a dû accoucher : imaginer un avenir durable pour le groupe aux douze marques. Après quelques mois d’action, l’expert automobile Ferdinand Dudenhöffer, fort critique envers le groupe, écrit « qu’il s’est passé davantage de choses chez Volkswagen avec Matthias Müller à sa tête que durant les vingt années précédentes ». Voitures électriques, services numériques, véhicule autonome, le Président du directoire du groupe met l’accent sur les priorités de cette transformation. Pour lui, l’Europe doit montrer la voie en matière de mobilité électrique : « L’Europe doit prendre le leadership technologique dans les secteurs d’avenir de l’industrie automobile et coopérer avec les décideurs politiques afin de mettre en place les conditions cadres nécessaires. », argue-t-il lors de la réception du Nouvel An organisée par l’entreprise à Bruxelles.
Bâtir un nouvel écosystème
En promettant d’accélérer l’électrique et la mobilité, le groupe donne le change et fait évoluer radicalement sa vision. Alors greenwashing ou réelle transformation ? Les premiers résultats sont probants : le lancement de l’emblématique Combi, redesigné pour se rapprocher de la mythique version T2 popularisée par l’esprit hippie (et le dessin animé Scoubidou) proposé en « full électrique » est un succès. Volkswagen prévoit même de sortir 30 modèles électriques d’ici 2025, ce qui représenterait 20 à 25 % de ses ventes soit 2 à 3 millions de véhicules.
« Du temps et du souffle »
La volonté du groupe ne s’arrête pas là, désireux de bâtir un nouvel écosystème, Volkswagen s’adjoint une nouvelle compétence, celle de la conception et de la fabrication de batteries, « Volkswagen ce n’est pas que du diesel » assène sans relâche Matthias Müller ! Et la voiture autonome ? À cela, réponse puissante de son président qui prévoit d’embaucher 1000 ingénieurs R&D d’ici 2021 pour produire des softwares maison. Le mot de la fin revient à son président : « le processus du changement demande du temps et du souffle. Gageons qu’avec cette transformation menée tambours battants, le groupe Volkswagen, donné moribond l’an passé, saura encore enchanter nos routes silencieusement et sans particules fines.
– Par Frédéric Restout
Créer de la préférence… ou de la réticence !
On vous le rabâche à longueur de journée, c’est l’un des B-A BA des acteurs de la communication : votre marque a de la valeur. Certains classements comptabilisent même cette valeur pour les plus grandes marques… 170 milliards de dollars* en 2016 pour Apple, excusez du peu. Pourquoi cette valeur ? Parce que la marque fait que votre offre est préférée, qu’elle justifie un prix supérieur. Mais attention à ne pas inverser ce schéma…
BlackBerry, star déchue
Autrefois leader sur le mobile, BlackBerry a raté le tournant des écrans tactiles. Avec un chiffre d’affaires qui a chuté de près de 70 % depuis 2014, la marque n’est plus aujourd’hui qu’un acteur résiduel de son marché. Une image de star en déclin, malgré la récente sortie de son modèle KeyOne au début de l’année… Le coeur de son activité n’est plus le mobile. La marque s’est en effet réorientée depuis quelques années dans le logiciel, avec une gamme de solutions de sécurité et de gestion de flottes de mobile. C’est même depuis cette année la première activité du groupe en terme de revenus, avec une très belle dynamique (+30 %)… mais qui le sait ?
La marque historique entrave le repositionnement
Problème : BlackBerry est encore très majoritairement perçue comme un fabricant de smartphones en déclin. En maintenant cette activité en difficulté, et surtout en développant le relai de croissance du logiciel sous cette même marque, BlackBerry voit l’activité historique déclinante éclipser la nouvelle offre. De là à penser que l’ancienne marque plombe le renouveau…
Une nouvelle marque pour dire sa réinvention ?
Evidemment, il est facile de distribuer bons et mauvais points, de prononcer des jugements hâtifs. Convenons que l’ancienne marque de BlackBerry évite l’inconnue du nouvel entrant, qu’une phase de business difficile n’est pas nécessairement le moment idéal pour installer un nouvel acteur à grand renfort de dépenses en communication. Rappelons-nous également que la sécurité a toujours été au coeur de la promesse de la marque BlackBerry. Mais constatons aussi qu’une nouvelle marque changerait notre lecture… Ainsi, après avoir perdu cette année le marché de l’équipement des employés du Sénat américain, BlackBerry a remporté auprès de ce même Sénat celui de la fourniture de solutions logicielles pour assurer les communications dans un contexte de crise. En l’état, une belle preuve de résistance. Mais sous une autre marque, le début d’une nouvelle ère.
* Classement Interbrand 2016.
– Par Matthieu Fischer